Harmonisation de la règlementation semencière régionale : Premiers signes de prospérité pour les entreprises privées

“La semaine dernière, j’ai livré 40 tonnes de semences de sorgho au Ghana “, renseigne, Stephen Yacouba Atar, vice-président de l’Association des entreprises semencières du Nigeria (SEEDAN) et PDG de Da-Allgreen Seeds Limited, une des plus anciennes entreprises semencières du pays.

Cette entreprise semencière privée basée à Kaduna au nord du Nigeria a également fait des affaires récemment avec des entreprises semencières au Burkina Faso et auparavant avec des entreprises libériennes, sierra-léonaises et sénégalaises.

Cela a-t-il quelque chose à voir avec l’harmonisation de la règlementation semencière adoptée par tous les pays d’Afrique de l’Ouest, au cours des dernières années ?

“Oui,” répond M. Atar.

“L’harmonisation de la règlementation régionale sur les semences a aidé. Sans cela, nous n’aurions pas eu ces opportunités “, dit-il.

“Avant, nous avions beaucoup de difficultés à livrer des semences au-delà de nos frontières nationales.”

Lors de la livraison des semences aux communautés touchées au plus fort de la crise à virus Ebola entre 2014 et 2015 au Libéria, en Guinée et en Sierra Leone, rappelle M. Atar, les camions transportant les cargaisons de semences pouvaient mettre jusqu’à un mois pour arriver à destination, à cause des tracasseries sur les corridors ouest africains.

“Cette fois-ci, il nous a fallu moins de 2 semaines pour livrer les semences nécessaires du Nigeria au Ghana.”

Lorsque le Conseil ouest et centre africain pour la recherche et le développement agricoles (CORAF) et ses partenaires (l’Agence des États-Unis pour le développement international (USAID), la Banque mondiale et d’autres acteurs politiques et de la société civile) ont entrepris ce travail d’uniformisation des règles en matière de certification des semences, d’homologation des variétés et de contrôle phytosanitaire, c’est ce résultat qui était souhaité.

“Rendre le catalogue de semences régional accessible à tous et mettre en œuvre tous les processus d’harmonisation réglementaire ne  suffit pas. Le véritable succès est déterminé par le flux ininterrompu de semences de qualité à travers les frontières par les hommes d’affaires au début de chaque campagne agricole “, dit Mme Shirley Erves Kore, conseillère auprès de la Mission de l’USAID Afrique de l’Ouest et l’une des adeptes de la libéralisation de l’industrie des semences en Afrique occidentale.

“Dans l’ensemble, le Nigeria représente aujourd’hui 60 pour cent du volume total des semences commercialisées en Afrique de l’Ouest, déclare le Dr Philip Ojo, Directeur général du National Agriculture Seeds Council of Nigeria, l’organisme public chargé des questions de semences au Nigeria.

Rien qu’en 2018, les entreprises nigérianes ont exporté près de 1 200 tonnes de semences certifiées vers le Ghana. Il s’agit notamment de 830 tonnes de maïs, 340 tonnes de soja et 30 tonnes de sorgho, à en croire, l’Association des entreprises semencières du Nigeria (SEEDAN).

En 2016, la Gambie a importé 63 tonnes de semences de riz de base du Nigeria et la Sierra Leone en a importé environ 55 tonnes. Avec un besoin croissant de semences certifiées, la Gambie et la Sierra Leone ont commandé environ 450 tonnes de semences de riz certifiées du Nigeria la même année, pour compenser leurs déficits.

Jusqu’à récemment, atteindre ce volume de commerce de semences n’était pas une chose évidente, car chaque pays disposait de ses propres règles. Le manque d’ouverture des frontières étouffait le développement du commerce des semences.

Les experts de l’industrie semencière nigériane reconnaissent le rôle crucial  joué par le CORAF dans la création de nouvelles fenêtres d’opportunités d’affaires, la mise en relation des acteurs et la fourniture de connaissances pertinentes et utiles qui les aident aujourd’hui à développer leurs activités au-delà des frontières nationales.

“Le CORAF, par le biais du Programme semencier pour l’Afrique de l’Ouest, a ouvert de nouvelles opportunités pour l’industrie semencière nigériane, comme jamais auparavant. Non seulement, le CORAF a fourni des opportunités de marché, mais il a également aidé à fournir des semences de base de qualité, aux entreprises compétentes, ainsi qu’à organiser le secteur privé des semences au Nigeria”, explique le professeur Onyibe, conseiller technique de SEEDAN et chargé de cours à l’Université de Zaria, au nord du Nigeria.

“Vous ne pouvez donc pas dissocier l’augmentation du résultat net des entreprises,  de  l’augmentation de la productivité, tant au Nigeria, que dans l’ensemble de la région ouest africaine, des interventions du CORAF’’.

‘’Tout n’est pas parfait, beaucoup de travail reste à faire”.

“Il y a toujours de la résistance de la part des douanes au niveau des frontières. Beaucoup ne comprennent toujours pas les règles”, déclare le PDG de Da-Allgreen Seeds Limited Nigeria.

Cependant, dit-il, les choses commencent à changer. “En parlant d’une seule voix et en sensibilisant ces acteurs clés, ils commencent à comprendre et, dans certains cas, des camions qui ont été bloqués aux frontières, ont été autorisés à poursuivre leur chemin.”

“Le travail du CORAF, combiné au leadership politique fort des institutions nationales et régionales, a fait une différence considérable dans la façon dont les semences circulent actuellement dans les pays. Mais nous devons aussi être honnêtes en admettant qu’il y a encore beaucoup de travail à faire pour exploiter l’énorme opportunité du marché des semences en Afrique de l’Ouest”, dit le Dr Yacouba Diallo, expert en semences qui travaille actuellement avec un des récents programmes régionaux de mise à l’échelle des technologies des semences, PAIRED,(Partenariat pour la recherche agricole, l’éducation et le développement en Afrique de l’Ouest).

Avec une volonté politique renouvelée et l’intérêt des acteurs du développement en Afrique de l’Ouest, le CORAF renforce actuellement une coalition d’acteurs publics et privés pour continuer à accélérer la livraison de semences de qualité aux petits exploitants agricoles dans la région. Dans le cadre du PAIRED, le CORAF cherche à élargir l’accès aux technologies liées aux semences.