De nouveaux espoirs pour les agriculteurs de l’Afrique de l’Ouest

Pendant des dĂ©cennies, une myriade d’acteurs ont fait de l’accès Ă  des intrants de qualitĂ© pour les agriculteurs leur mission première. Mais une coordination insuffisante et la duplication des efforts ont bloquĂ© les progrès. L’utilisation moyenne de semences, d’engrais et de pesticides en Afrique de l’Ouest reste relativement faible par rapport au reste du monde.

« Cela est dû à des acteurs qui travaillent en silos », explique Innocent Okuku, un Distributeur  en engrais basé au Nigeria.

Mais cette Ă©poque de livraison non coordonnĂ©e d’intrants aux agriculteurs d’Afrique de l’Ouest pourrait bien ĂŞtre sur le point de connaĂ®tre un changement substantiel.

La  CommunautĂ© Economique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) demande Ă  ses partenaires de dialoguer, de mieux se comprendre, d’harmoniser leurs interventions et de tirer parti des ressources limitĂ©es pour avoir un impact plus important sur les moyens de subsistance des petits exploitants agricoles.

La CEDEAO est un instrument d’intĂ©gration rĂ©gionale qui travaille Ă  la mise en Ĺ“uvre de l’ambitieux programme des chefs d’État africains en Afrique de l’Ouest. Le doublement de la production alimentaire d’ici 2025 est un Ă©lĂ©ment central du plan agricole.

« Notre ambition est de produire suffisamment de nourriture pour pouvoir nourrir nos populations d’ici 2025 », dĂ©clare Sekou Sangare, Commissaire Ă  l’Agriculture de la CEDEAO.

« Nous devons établir les bons partenariats aux niveaux national et local pour renforcer la résilience de nos agriculteurs face à la menace du changement climatique ».

Comment cela a-t-il été possible ?

De nombreux acteurs du dĂ©veloppement travaillent en Afrique de l’Ouest. L’un des principaux investisseurs dans le dĂ©veloppement de l’agriculture est l’Agence des Etats Unis pour le DĂ©veloppement International (USAID). Environ 300 millions de dollars US sont fournis par l’USAID Ă  de multiples partenaires pour faire avancer le programme de sĂ©curitĂ© alimentaire et nutritionnelle de l’Afrique de l’Ouest.

Le dĂ©veloppement de l’agriculture est une prioritĂ© pour de nombreux acteurs travaillant dans la rĂ©gion. Cependant, ces partenaires ne savent souvent pas oĂą, quand et ce que chacun fait.

PlutĂ´t que de poursuivre les seules interventions sur le terrain, l’USAID a dĂ©terminĂ©, avec la CEDEAO et d’autres partenaires rĂ©gionaux, qu’il pourrait ĂŞtre utile d’entamer un processus de recensement des acteurs et de les amener Ă  s’exprimer ensemble tout en amĂ©liorant l’espace politique et rĂ©glementaire.

Cela a pris la forme d’un dialogue annuel – le premier de ces forums s’est tenu Ă  Dakar, au SĂ©nĂ©gal. Abuja, la capitale du Nigeria, a accueilli la deuxième Ă©dition au dĂ©but du mois de fĂ©vrier 2020.

« Nous avons commencĂ© avec 30 partenaires en 2019. Nous avons doublĂ© ce nombre en 2020 », selon Abdou Tenkouano, Directeur ExĂ©cutif du CORAF, l’institution qui coordonne ces efforts en Afrique de l’Ouest.

« La coordination des donateurs est un dĂ©fi. Mais les plateformes multipartites peuvent considĂ©rablement amĂ©liorer notre façon de faire. Vous avez vu qu’elle permet aux entreprises de partager les dĂ©fis auxquels elles sont confrontĂ©es pour faire passer les intrants d’un pays Ă  l’autre. Cela permet Ă  la CEDEAO de mieux comprendre les dĂ©fis des entreprises et, espĂ©rons-le, de prendre les mesures nĂ©cessaires pour amĂ©liorer la situation afin que le potentiel du secteur privĂ© puisse ĂŞtre libĂ©rĂ©. Mais cela ne s’arrĂŞte pas lĂ . Le changement durable exige des Ă©changes continus », dĂ©clare le Dr. Tenkouano.

Partenaires ayant participé à la réunion d’Abuja

 

La fourniture d’intrants au secteur privĂ© par essaimage

Les experts affirment que des partenariats efficaces, soutenus par une participation active du secteur privĂ©, sont la seule approche viable pour apporter les innovations nĂ©cessaires aux agriculteurs d’Afrique de l’Ouest.

« En fin de compte, ce sont les entreprises qui doivent ĂŞtre les moteurs de ce processus », dĂ©clare Abdrahamane Dicko, Conseiller en programmes et politiques Ă  l’USAID Afrique de l’Ouest.

Pendant des dĂ©cennies, les États d’Afrique de l’Ouest ont jouĂ© un rĂ´le majeur dans la rĂ©glementation ainsi que dans la fourniture d’intrants de qualitĂ© aux agriculteurs. De nombreux pays appliquent encore des systèmes de subventions qui permettent aux agriculteurs d’avoir accès Ă  des intrants de qualitĂ© Ă  des coĂ»ts relativement abordables.

Dans le cadre de l’appui de l’USAID Afrique de l’Ouest au dĂ©veloppement de l’agriculture, la CEDEAO et ses partenaires ont entrepris des rĂ©formes clĂ©s, notamment en harmonisant les rĂ©glementations dans les domaines des semences, des engrais et des pesticides, et sont sur le point de mettre au point une nouvelle stratĂ©gie traitant des intrants de manière intĂ©grĂ©e.

Bien que cette stratĂ©gie ait permis d’amĂ©liorer l’accès Ă  des intrants de qualitĂ©, nombreux sont ceux qui estiment que le secteur privĂ© doit jouer un rĂ´le plus visible pour que tout changement durable et significatif puisse se produire.

« En fin de compte, nos rĂ´les vont s’estomper et cĂ©der au secteur privĂ© pour perpĂ©tuer ce processus », soutient Abdrahamane Dicko.

« Le secteur privĂ© a plus d’opportunitĂ©s et de ressources qui peuvent ĂŞtre mises Ă  profit pour dĂ©velopper le secteur semencier en Afrique de l’Ouest. Leur potentiel est bien plus important que tout soutien que le gouvernement amĂ©ricain ou tout autre partenaire peut apporter, explique Catherine Hamlin, Chef de l’Ă©quipe Agriculture de l’USAID Afrique de l’Ouest.

Réunion d’experts pour mettre au point une nouvelle stratégie intégrée des intrants agricoles

 

Assurer une prestation efficace et durable

L’aide Ă©trangère de l’USAID est actuellement mise en place pour permettre aux institutions et aux acteurs locaux de s’approprier, de dĂ©finir et de mettre en Ĺ“uvre des solutions durables Ă  leurs problèmes.

« Nous tenons toujours compte de la question de la durabilitĂ© dans nos programmes. Cela signifie que nous voulons voir plus d’engagement et d’appropriation du secteur privĂ© dans le dĂ©veloppement de ce secteur en Afrique de l’Ouest », a ajoutĂ© Catherine Hamlin.

De bons signaux pour le secteur privé

Contrairement Ă  la première itĂ©ration de la rĂ©union de consultation rĂ©gionale, l’Ă©dition d’Abuja a vu la participation de beaucoup plus d’entreprises d’intrants. Nombre d’entre elles Ă©taient autofinancĂ©es, ce qui dĂ©montre une fois de plus la volontĂ© du secteur privĂ© de s’engager et de rechercher des solutions durables aux dĂ©fis du secteur des intrants en Afrique de l’Ouest. Dans l’ensemble, dix des principales entreprises privĂ©es Ă©taient prĂ©sentes.

Elles sont venues avec la volontĂ© d’explorer de nouvelles opportunitĂ©s, de renforcer la collaboration existante, mais elles ont Ă©galement craint que la rĂ©union ne soit pas productive.

« Quand j’ai reçu une invitation, j’Ă©tais hĂ©sitant. Je pensais que j’allais perdre mon temps », dĂ©clare Stephen Yacouba Atar, PDG de l’une des plus anciennes entreprises de semences du Nigeria, Da-Allgreen Seeds Limited.

« Mais, Ă©coutez, j’ai pu obtenir des informations commerciales cruciales sur les semences de riz hybride. Cela a Ă©galement Ă©tĂ© un moyen de canaliser nos griefs vers la CEDEAO et les dĂ©cideurs et de chercher des solutions ensemble », a dĂ©clarĂ© le patron de Da-Allgreen Seeds Limited.

Da-Allgreen Seeds Limited cultive et distribue plusieurs variĂ©tĂ©s de cĂ©rĂ©ales sèches au Nigeria et en Afrique de l’Ouest. M. Atar a indiquĂ© que ses projets de diversification vers des variĂ©tĂ©s de riz hybride avaient Ă©tĂ© longtemps mis en suspens parce qu’il ne pouvait pas obtenir les bonnes informations ou trouver le bon partenaire.

« J’ai compris cela lors de cette rĂ©union. Et c’est dire Ă  quel point c’est utile et pertinent pour nous en tant qu’entreprises ».

Certains experts ont affirmĂ© que les biofertilisants Ă©taient le bon type de nutriments Ă  utiliser en Afrique de l’Ouest.

Au cours des six dernières années, Contec Global Agro Limited a fait des recherches et produit exclusivement des engrais organiques, des biopesticides.

« Nous ne sommes actuellement Ă©tablis qu’au Nigeria. Notre ambition est de nous Ă©tendre au SĂ©nĂ©gal et au Ghana. C’est ce qui nous a amenĂ©s Ă  ce forum. Cela a Ă©tĂ© bĂ©nĂ©fique pour notre entreprise », dĂ©clare Dipankur Maini, Responsable du dĂ©veloppement commercial chez Contec Global Agro Limited.

Le Nigeria reprĂ©sente près de 60 % du marchĂ© des semences en Afrique de l’Ouest. La plupart des entreprises nigĂ©rianes qui reprĂ©sentent cette production sont enregistrĂ©es auprès de la Seed Entrepreneurs Association of Nigeria (SEEDAN). Si SEEDAN voit l’intĂ©rĂŞt de cette rĂ©union, elle a toutefois suggĂ©rĂ© que la consultation annuelle soit mise en place pour encourager des Ă©changes sincères et critiques sur les dĂ©fis et les opportunitĂ©s du secteur des intrants en Afrique de l’Ouest.

« Qu’est-ce qui explique qu’avec tant d’acteurs travaillant pour faciliter l’accès aux semences, notre utilisation des intrants est encore lente ? Pourquoi l’Afrique orientale et australe est-elle plus performante que nous ? Nous devons faire des affaires diffĂ©remment. Ce forum nous aide, mais nous devons agir », a dĂ©clarĂ© le prĂ©sident de SEEDAN.

Cela concerne les agriculteurs

« En fin de compte, ce qui compte, c’est que les petits exploitants n’aient pas Ă  attendre une semaine, Ă  parcourir de longues distances pour avoir accès Ă  des intrants de qualité », dĂ©clare Sekou Sangare, le Commissaire Ă  l’agriculture de la CEDEAO.

« Je suis convaincu qu’un jour, les agriculteurs des coins les plus reculĂ©s de l’Afrique de l’Ouest pourront acheter des semences et des engrais oĂą ils le souhaitent. Il viendra un moment oĂą les intrants seront disponibles comme le coco-cola est dans notre Ă©picerie », dĂ©clare Innocent Okuku, Vice-PrĂ©sident de l’Association des engrais d’Afrique de l’Ouest.

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