Contributions : Hippolyte Affognon ; Yacouba Diallo ; Fidélia Bohissou ; Abdulai Jalloh ; David Akana
Il y a quelques semaines, nous avons discuté de la manière dont la COVID-19 pourrait compliquer l’accès aux semences qui constitue le point de départ de la production agricole, et nous avons suggéré des approches pour atténuer les conséquences éventuelles pour les agriculteurs. Nous avons ensuite examiné comment adapter la production agricole à la COVID-19. Dans ce blog, nous avons fait la lumière sur la gestion des pertes post-récoltes dans le secteur agricole et ses implications pendant la pandémie.
Dans notre région, de nombreux États ont adopté des mesures telles que la fermeture des frontières, le confinement et l’isolement des populations, qui ont créé des perturbations dans le fonctionnement des marchés et des chaînes d’approvisionnement des produits agricoles. Par conséquent, la population a un accès limité au marché pour la distribution et l’approvisionnement des produits agricoles. La population n’est pas en mesure d’acheter de grandes quantités de produits périssables, avec le risque que ces produits se détériorent et, dans certains cas, soient perdus.
Dans de nombreux pays d’Afrique de l’Ouest, le confinement et les restrictions connexes à la circulation des personnes et des prestataires de services sont progressivement levés. Toutefois, les menaces de la COVID-19 continuent de se faire sentir à mesure qu’elle se répand. Il est nécessaire de mieux surveiller les impacts possibles sur notre système alimentaire et de prendre des mesures pour atténuer ces effets.
Dans ce blog, le CORAF entend souligner l’importance de la réduction des pertes alimentaires post-récoltes comme l’une des mesures urgentes à prendre par les pays et les programmes de donateurs pour faire face aux impacts de la COVID-19 dans le secteur agricole. Si l’augmentation de la productivité agricole est une condition préalable pour assurer la sécurité alimentaire dans la région, l’investissement et une bonne gestion des opérations post-récoltes peuvent réduire considérablement les pertes et le gaspillage alimentaires.
Quelles est la situation ?
En Afrique subsaharienne, des volumes importants de nourriture sont perdus et gaspillés après la récolte, avec une valeur estimée à 4 milliards de dollars pour seulement les céréales. Le Nigeria, le plus grand producteur de tomates en Afrique de l’Ouest, perd près de 50 % de sa production en raison d’un manque d’installation d’infrastructures stockage au froid. La réduction des pertes de nourriture offre une voie essentielle pour la disponibilité des aliments, la réduction de la pauvreté et l’amélioration de la nutrition, en particulier pendant la crise de la pandémie de COVID-19.
Les pertes post récoltes de nourritures ne réduisent pas seulement la nourriture disponible pour la consommation humaine, mais causent également des répercussions négatives sur l’environnement par le biais des émissions de gaz à effet de serre et de la perte des rares ressources utilisées dans la production, ce qui a un impact négatif sur l’économie locale.
La réduction des pertes post-récoltes a des effets positifs sur les coûts monétaires et environnementaux. Elle réduit l’utilisation des ressources de production telles que les semences, les engrais et la main-d’œuvre ou l’expansion des terres dans les écosystèmes fragiles pour produire des aliments qui seront perdus et non consommés.
Les pertes post-récolte sont quantitatives, comme la diminution du poids ou du volume du produit, et qualitatives, comme la réduction de la valeur nutritive, la dépréciation du goût, de la couleur, de la texture. Elles surviennent à des étapes critiques de la chaîne d’approvisionnement alimentaire (récolte, transport, stockage, transformation, vente, consommation ou autres utilisations finales).
Les facteurs qui influent sur les pertes post-récoltes sont les conditions météorologiques, l’incidence des insectes nuisibles, des acariens, des rongeurs, des oiseaux et des champignons et bactéries responsables de la contamination des aliments, les changements physiques dus à la qualité des équipements et des infrastructures de transformation et de stockage, ainsi que les pratiques et les compétences des acteurs concernés en matière de gestion post-récolte.
De bonnes conditions de stockage et de transformation des aliments, la transformation des ingrédients alimentaires bruts en aliments transformés ou la transformation de denrées périssables sous d’autres formes en utilisant des méthodes physiques ou chimiques, peuvent jouer un rôle crucial pendant la crise pandémique de COVID-19. Cela peut réduire considérablement les pertes et le gaspillage de denrées alimentaires. Il est simple de stocker les aliments transformés et de les conserver pendant une longue période, en particulier les fruits et légumes en conserve ou surgelés. Ils peuvent être conservés pendant longtemps. Toutefois, il convient de mettre l’accent sur la sécurité car les aliments transformés et emballés peuvent être facilement contaminés, ce qui entraîne une maladie généralisée. Par conséquent, il est essentiel de conserver les aliments transformés plus longtemps en arrêtant ou en ralentissant la détérioration, la perte de qualité et la comestibilité des aliments. La conservation peut comprendre des actions telles que le séchage, la réfrigération, la congélation, l’emballage sous vide pour empêcher la croissance de champignons, de bactéries et de micro-organismes.
Mesures d’adaptation à la COVID-19 et au-delà
Les actions post-récoltes pour s’adapter à la COVID-19 doivent être prises au niveau local. Pour atténuer les pertes post-récoltes, les agriculteurs pourraient améliorer leur capacité de stockage en utilisant un emballage hermétique et une technologie de triple ensachage contre les pertes post-récolte dues à l’infestation par des insectes et autres rongeurs. La transformation et la conservation des aliments au niveau local joueront un rôle important dans l’approvisionnement alimentaire pendant la pandémie de COVID-19. L’objectif de la conservation des aliments est d’augmenter la durée de vie des aliments tout en les gardant sûrs. Comme les mesures de lutte contre la COVID-19 constituent en des confinements et des fermetures de frontières, les aliments transformés et conservés au niveau local peuvent être utilisés pour combler le vide créé par la restriction causée par les fermetures.
Une façon de se préparer et de contenir l’impact négatif de la COVID-19 ou d’autres crises qui peuvent conduire à des confinements et à des restrictions de mouvement est d’encourager le stockage des aliments au niveau du village sous la forme de banques céréalières communautaires. C’est un mécanisme qui a été développé depuis le début des années 70, en particulier en Afrique. Les stocks communautaires au niveau du village sont gérés par des associations d’agriculteurs pour assurer la disponibilité et la sécurité alimentaires de la communauté villageoise et pour aider les agriculteurs, en leur donnant la possibilité de commercialiser le surplus de la récolte.
Lors d’une pandémie telle que la COVID-19, des efforts sont nécessaires pour coordonner les approvisionnements et les prix des denrées alimentaires ; et les interventions post-récoltes peuvent apporter des solutions. Toutefois, ces solutions doivent être réglementées de manière adéquate pour garantir le respect des règles et les avantages escomptés. Les actions post-récoltes, y compris le stockage et la transformation des produits agricoles, peuvent promouvoir un approvisionnement alimentaire résilient et équitable pendant une crise pandémique et au-delà.
Le CORAF continuera à promouvoir les variétés de cultures ayant une longue durée de conservation et un potentiel de transformation élevé. En outre, le CORAF continuera à développer et à diffuser les technologies post-récoltes, les innovations et les meilleures pratiques.
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