La fièvre hémorragique à virus Ebola a détruit plus que des vies humaines lorsqu’elle est apparue en Guinée il y a quelques années. Elle a également érodé l’agriculture en Guinée, au Libéria et en Sierra Leone. Les pénuries alimentaires, les restrictions commerciales, les contrôles aux frontières et la hausse des prix des denrées alimentaires ont poussé de nombreux agriculteurs à recourir à des mesures désespérées et à utiliser les semences qu’ils épargnaient pour la prochaine saison de culture pour leur propre consommation. « Nous avons dû cesser nos activités agricoles et rarement visité nos fermes. Nous avons mangé toutes nos graines de riz », explique Henry Koroma.
Heureusement, le CORAF avait anticipé. ‘’La famine était imminente, donc la réaction du CORAF était venue au moment approprié’’ rappelle Dr Ernest Asiedu, Chef de file du Programme semencier d’Afrique de l’Ouest (PSAO) à Food Tank. ‘’Nous avons établi des liens avec tous les pays de la région et nous avons cartographié l’itinéraire pour le transport de ces semences, depuis AfricaRice. Le CORAF et de nombreux partenaires régionaux ont élaboré l’Initiative Ebola de fourniture de semences aux pays touchés par le virus et communiqué les efforts susceptibles de renforcer les systèmes semenciers régionaux dans le futur’’ a précisé le Dr Asiedu.
Appuyée par la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) et la Banque mondiale, l’initiative a trouvé des variétés de semences spécifiques pour les zones touchées, les a testées pour leur qualité et les a transportées au-delà des frontières internationales. « La cartographie était très importante », souligne E. Asiedu, expliquant que l’équipe a pris en compte ‘’des facteurs tels que le type de sol dans une zone et les variétés préférées par les populations’’. ‘’Nous avons ensuite distribué du riz, du maïs et des graines de niébé de toute la région pour la campagne agricole de 2015, ainsi qu’appuyé la production de nouvelles semences pour la récolte de l’année suivante, pendant que le Programme alimentaire mondial fournissait du riz et des céréales aux agriculteurs pour qu’ils puissent conserver leurs semences’’.
Cette grande initiative a rencontré des obstacles au niveau des frontières: « A la frontière entre la Côte d’Ivoire et le Libéria, des camions chargés de semences de niébé en provenance du Niger ont été bloqués pendant un mois et demi’’. A cela s’ajoutent d’autres difficultés. ‘’Dans certains endroits, les camions avaient toutes les difficultés pour emprunter les routes montagneuses. Il fallait les décharger pour faciliter leur mouvement et les recharger ensuite. C’était très difficile « , dit Asiedu.
En dépit de ces défis, le CORAF renseigne que l’initiative Ebola a produit plus de 12 600 tonnes de semences certifiées entre 2015 et 2016. En 2015, l’Initiative a touché plus de 240 000 personnes avec des semences couvrant quelque 110 000 hectares. Étant donné que l’initiative a également contribué à accroître l’offre de semences en 2016 dans les trois pays bénéficiaires, les estimations pour la même année ont été encore plus importantes. « J’ai dû lutter avec mes cinq enfants à travers les temps difficiles; nous avons consommé tous les grains qui restaient, et j’avais vendu mes vêtements pour joindre les deux bouts », explique Mama Isata Mansaré, Ces semences sont comme une renaissance. Je vais cultiver et faire des affaires après la récolte » dit-elle.
L’initiative démontre le rôle que les systèmes semenciers régionaux et les efforts coordonnés de différentes organisations peuvent jouer pour s’assurer que les agriculteurs reçoivent l’aide dont ils ont besoin pendant les crises. « Cela montre très clairement que les êtres humains, si nous travaillons ensemble, peuvent résoudre n’importe quel problème, cela nous donne de l’espoir », déclare le Dr. Moses M. Zinnah, Ministre de l’Agriculture du Libéria.
« Il faut mettre en place des systèmes pour éviter ce genre de catastrophes » Même en montrant comment les organisations peuvent répondre aux crises régionales, les leçons tirées de l’initiative peuvent aider à montrer la voie à suivre. « Nous avons fait l’expérience de la solidarité dans la crise », explique le Dr Abdou Tenkouano, Directeur exécutif de la CORAF, à Food Tank. « Nous pensons maintenant que nous savons comment gérer cela, mais il sera beaucoup plus sage pour nous d’être préparés dorénavant. Et nous pouvons récolter des partenariats mondiaux pour cela. »