Contribution : Hippolyte Affognon ; Yacouba Diallo ; Fidélia Bohissou ; Abdulai Jalloh ; David Akana.
Récemment, nous avons discuté de comment la COVID-19 pourrait compliquer l’accès aux semences qui constituent le point d’entrée de la production agricole et avons suggéré des approches d’allègement des difficultés causées aux agriculteurs. Dans ce blog, nous discutons de comment adapter la production agricole au contexte de la pandémie de la COVID-19.
La pandémie mondiale de COVID-19 a déjà eu des répercussions sur le secteur agricole. Outre ses effets potentiels sur la santé, la menace de la COVID-19 pourrait avoir encore de graves répercussions sur les moyens de subsistance des agriculteurs ruraux pauvres qui vivent principalement de l’agriculture.
Au-delà des conséquences à court terme sur l’approvisionnement alimentaire, la production agricole pourrait souffrir si la situation se prolonge et si les restrictions à la libre circulation se poursuivent, ce qui pourrait avoir un impact négatif plus grave et plus durable sur la disponibilité et les prix des denrées et, en définitive, sur la sécurité alimentaire.
Le secteur agricole payera certainement un lourd tribut à cette crise de la COVID-19. Cela pourrait conduire à un changement des pratiques de production agricole, comme l’exige la nécessaire distanciation sociale. Les mois de mai et juin marquent le début de la saison de semis invariablement et à forte intensité de main-d’œuvre dans de nombreux pays de la sous-région. Les confinements en cours et les restrictions associées à la circulation des personnes et des biens, en particulier de la main-d’œuvre migrante agricole et des intrants tels que les semences et les engrais, constituent une grave menace pour les superficies qui doivent être ensemencées au bon moment, condition sine qua none pour la bonne croissance des plantes et la bonne productivité des cultures. Par conséquent, le risque d’une faible production agricole entraînera inévitablement une augmentation des importations, et les prix des denrées alimentaires pourraient être beaucoup plus élevés en raison de l’accroissement de la demande mondiale.
Quels sont les impacts de la COVID-19 sur la production agricole ?
La production et la productivité agricoles dans les différents pays de la sous-région, qui sont déjà faibles, risquent d’être durement affectées dans les mois à venir. Les effets de la COVID-19 sur la production agricole pourraient être ressentis à plusieurs niveaux :
Difficultés dans l’approvisionnement en intrants : Les producteurs ont besoin de semences de qualité, d’engrais et de pesticides pour la protection des cultures contre les maladies et les parasites pour atteindre les niveaux de production souhaités. Avec la pandémie, les chaînes d’approvisionnement sont perturbées au niveau mondial et même au sein des pays de la sous-région, ce qui affecte l’importation d’intrants agricoles en provenance d’Asie, d’Europe, d’Afrique du Nord et d’autres régions. Si la situation persiste, elle risque d’être désastreuse car, sans intrants de qualité, la productivité et la production agricoles diminueront.
Manque de main-d’œuvre agricole : Il existe un risque de diminution de la production agricole avec les mesures de barrière qui sont en train d’être mises en place. Les producteurs sont habitués à s’entraider pour augmenter leur production. Mais avec les mesures de distanciation sociale, chaque producteur voudra rester dans son domaine pour minimiser les contacts avec les autres. Cela entraînera une diminution de la main-d’œuvre, et par conséquent une diminution des superficies emblavées, ce qui aura un impact sur la production. En outre, la fermeture des frontières et la restriction des déplacements dans les pays ont empêché de nombreux jeunes citadins de se rendre à la campagne pour soutenir la production familiale pendant la période critique de besoin de main d’œuvre. La pénurie de travailleurs saisonniers pourrait perturber la production et la transformation des denrées alimentaires, en particulier pour les cultures à forte intensité de main-d’œuvre. De plus, si les producteurs tombent malades avec la COVID-19 ou sont limités dans leurs mouvements, ils ne pourront pas travailler dans leurs exploitations.
La gestion des ravageurs en période de pandémie : Avant la pandémie de la COVID-19, certains agriculteurs d’Afrique de l’Ouest et du Sahel souffraient déjà d’une grave invasion de ravageurs tels que les chenilles légionnaires d’automne, à cela s’ajoute la menace de l’invasion des criquets pèlerins qui sévissent déjà en Afrique de l’Est. La COVID-19 a augmenté le niveau de risque en raison des contraintes d’accès aux produits de lutte contre les ravageurs et les maladies de plantes. En conséquence, les agriculteurs sont confrontés à une double catastrophe due à l’impact simultané de la COVID-19 et des ravageurs et maladies des plants – une combinaison qui pourrait avoir un impact négatif sur le rendement ou la perte totale des cultures.
Les pertes post-récolte de nourriture : Dans le contexte d’incertitude de la pandémie de COVID-19, l’adéquation entre l’offre et la demande devient un problème majeur, principalement en raison des goulots d’étranglement logistiques résultant des blocages et des restrictions de mouvements. Cela risque d’aggraver le problème des pertes de denrées alimentaires, qui était un problème majeur dans les chaînes de valeur alimentaire avant la pandémie. Pour les denrées périssables telles que les fruits et légumes, cela entraînera des pertes et un gaspillage que les agriculteurs vulnérables ne peuvent tout simplement pas se permettre de supporter.
Le financement du secteur agricole : La saison des cultures est déjà en cours et la plupart des producteurs sont à la recherche de ressources pour soutenir la production. Invariablement, les financiers exigent des garanties, ce qui devient de plus en plus difficile à obtenir pour les agriculteurs pauvres en ressources financières. Les menaces de faibles rendements et de faible production vont encore compromettre les chances des agriculteurs d’obtenir des prêts en fonction de la production prévue. En outre, l’absence éventuelle de marché pour vendre les produits et rembourser les prêts pourrait limiter considérablement l’accès à des prêts indispensables au début de la saison.
Limitations des services d’appui-conseil et de vulgarisation : Les restrictions en matière de déplacements et les mesures de distanciation sociale empêchent les agents de vulgarisation de mener des activités normales de conseil agricole et d’assurer un suivi et une collecte de données efficaces pendant la saison de production. Cela affecte non seulement l’anticipation des risques agricoles et la projection de la production, mais aussi l’acquisition de données fiables permettant de prendre des décisions éclairées sur la situation de la sécurité alimentaire.
Mesures proposées aux agriculteurs pour s’adapter à la situation de la COVID-19
Une mécanisation appropriée : Les solutions adéquates pour atténuer les effets de la pandémie de la COVID-19 sur la production doivent être identifiées. L’accent doit être mis sur une mini-mécanisation appropriée qui permettra aux agriculteurs de compenser le manque de travail manuel et de se conformer efficacement à la distanciation sociale. En Afrique, le niveau de mécanisation de l’agriculture est très faible. Le passage direct de la culture manuelle à la motorisation peut poser certains problèmes d’adaptation ou de perte de certaines catégories d’emploi. Néanmoins, la mini-mécanisation, où l’individu peut être le seul à manipuler l’équipement en évitant tout contact et en respectant la distanciation sociale, peut aider à prévenir la contamination par la COVID-19 pendant les opérations de production. En outre, le mécanisme d’exploitation conjointe d’équipements agricoles lourds (tracteur, batteuse, moissonneuse-batteuse, etc.) par le biais d’approches de prestations de services payants, de location et d’autres services de rotation, pourrait grandement contribuer à atténuer les problèmes de main-d’œuvre. Les réseaux de brigades phytosanitaires équipés pour traiter les exploitations agricoles selon le principe de la rémunération à l’acte, peuvent être bénéfiques en offrant des services aux agriculteurs qui ne disposent pas du matériel nécessaire ou de la main-d’œuvre adéquate.
Accès aux intrants agricoles : La formation technique, l’animation et l’encadrement des organisations de producteurs de base tels que les groupements, les coopératives et les unions de coopératives doivent être encouragés et soutenus. En outre, les gouvernements et les partenaires du développement devraient soutenir la distribution d’intrants aux agriculteurs vulnérables. De plus, les revendeurs d’intrants, ainsi que les agents de vulgarisation, devraient recevoir une éducation sanitaire de base sur la COVID-19 tout en facilitant leur déplacement dans les zones rurales. Ces agents pourraient également être associés à l’éducation des agriculteurs sur l’hygiène de base liée à la COVID-19 dans les zones rurales.
Gestion post-récolte : Pour atténuer les pertes post-récolte, les agriculteurs doivent améliorer leur capacité de stockage au niveau de l’exploitation avec les greniers améliorés et autres moyens de stockage hermétiques, principalement la technologie de sac à triple fonds ou triple ensachage recommandée pour la protection des graines et des semences de céréales et autres graines contre les pertes post-récolte dues aux attaques des insectes.
L’offre de services d’appui-conseil et de vulgarisation : Les activités de conseil agricole et le suivi de la campagne de production doivent se poursuivre sous une autre forme, en privilégiant le travail à distance par les nouvelles technologies de l’information et de la communication là où cela est possible et également par le biais de mini-vidéos pouvant être diffusées sur les téléphones portables, les brochures, les affiches, et les programmes télé et radiodiffusés.
Le CORAF continuera à faciliter la diffusion des technologies disponibles pour un plus grand impact sur la productivité des agriculteurs et leur bien-être socio-économique dans la sous-région. Le Programme de Productivité Agricole en Afrique de l’Ouest a généré plus de 200 technologies agricoles améliorées et à haut rendement pour faciliter et améliorer la vie de nombreux agriculteurs de la région.
Lire aussi :